Jean-Paul Sartre

Jean-Paul Sartre
Jean-Paul Sartre pendant la Seconde guerre mondiale

09/01/2014

Introduction

   Malgré la Seconde Guerre mondiale et l'Occupation des nazis, les Français vont au théâtre. Et pourtant, durant cette période, il y a une censure omniprésente ; les textes sont surveillés, coupés, changés quand ils sont « dérangeants ». Toute expression de pensée libre est interdite et sanctionnée.
Certains théâtres vont changer de nom (exemple : "Sarah Bernhardt" devient le "Théâtre de la Cité") et d'autres vont être réquisitionnés par les Allemands. Il sera de plus en plus difficile d'aller au théâtre puisque les salles seront réservées aux Allemands et qu'à ce problème s'ajoute celui du couvre-feu qui était imposé par le régime nazi.
   De plus, des pièces de théâtre allemandes vont être représentées en France dans certains théâtres mais seront très peu vues à cause de la langue, de la difficulté de compréhension. 

   En 1940, la Comédie Française ouvre sa saison culturelle avec un spectacle qui met en valeur la parole politique avec la devise « Travail, Famille, Patrie ». Malgré cela, les pièces françaises sont tout de même être représentées et les théâtres nationaux conservent leur rôle de « propagateur » du patrimoine français car les Allemands reconnaissent que laisser les français se divertir est un bonne politique.

   Dès printemps 1941, le gouvernement va augmenter son emprise sur le théâtre pour rendre la censure réelle et avoir un contrôle total. Mais malgré tous ces obstacles, les représentations vont s'enchaîner durant ces années noires et vont rester très importantes jusqu'à nos jours. De grands auteurs comme Jean-Paul Sartre vont jouer un rôle primordial pendant l'Occupation...





07/01/2014

Situation de la France durant l'Occupation nazie


   Le 22 juin 1940, la France a été divisée en deux parties à cause l'Occupation nazie : Au Nord, la "zone occupée" par les Allemands et au Sud la "zone libre" sous le régime collaborationniste de Vichy.
En novembre 1942, la "zone libre" est occupée à son tour par les Allemands et les Italiens lors du débarquement allié en Afrique du Nord. La France entière est occupée, et les zones sont renommées "zone Nord" et "zone Sud".

06/01/2014

I/ Théâtre de propagande et censure

   Pour renforcer l'emprise du gouvernement sur le théâtre ou toute forme d'expression, les Allemands nazis instaurent un système de contrôle absolu. Toute allusion à l'Occupation allemande, à son régime ou à ses dirigeants était sanctionnée impitoyablement.

   La Propaganda-Staffel (en allemand, "escadron de propagande") était un service dirigé par les autorités allemandes. Sa principale activité consistait à contrôler toutes les activités culturelles et d'informations ; c'est-à-dire aussi bien veiller au contenu des chansons, des pièces de théâtre, qu'aux parutions de la presse. Ceux qui déclaraient ignorer ces lois, n'avaient pas d'autres choix que publier leurs œuvres clandestinement. Tout ce qui pouvait déplaire était strictement censuré. Par conséquent, aucun texte ou pièces de théâtre allant contre le régime nazi ne pouvait être publié officiellement.
La Propaganda-Staffel promulguait des listes d’interdiction d’œuvres (143 livres ont été censurés durant l'été 1940 par la liste Bernhard). En 1940, la liste Otto a interdit environ 1200 ouvrages jugés anti-allemands, des œuvres d’écrivains juifs et même des livres anti-staliniens. Tous ces ouvrages ne devaient plus se trouver en vente.
Vichy aussi encadre, à l'aide de comités (notamment le Comité d'organisation des établissements de spectacle), les activités artistiques.

   Mais il fallait redouter non seulement la censure allemande, mais aussi la critique et la presse spécialisée françaises qui étaient aux mains des collaborationnistes (Je suis partout, La Gerbe, Comoedia). Dès le début de l'Occupation, les critiques collaborationnistes multiplient les dénonciations, mettant en cause l'origine raciale d'Harry Baur, de Sacha Guitry, et de tant d'autres...
Le 4 juillet 1941 sont ajoutées les réimpressions et les nouvelles publications des ouvrages anglais et américains. Le 22 mars 1942, une deuxième liste Otto intitulée "liste de la littérature indésirable" nommément signée par le Président du Syndicat des Editeurs est publiée. Elle est classée par auteur et non plus par éditeur. S’adjoint à ces listes d’interdiction une "Liste globale de la littérature à promouvoir". 

   Les allemands imposent des nouvelles règles pour faire en sorte que les représentations diminuent progressivement. Par exemple, les autorités demandent de limiter l'ouverture des salles : un jour de fermeture par semaine en 1943 mais quatre jours à partir de mars 1944... Ils doivent aussi tenir compte du couvre-feu imposé par les Occupants (comme il est rappelé dans Le Dernier Métro, les représentations commencent tôt : vers 19h30, pour que les spectateurs arrivent à temps pour attraper la dernière rame de 23 heures). En 1943, Le soulier de satin de Paul Claudel, qui dure près de cinq heures, est présenté à partir de 17h30... De plus, les théâtres sont tenus de réserver des places pour la « Propaganda staffel » : les allemands venaient assister aux pièces. Enfin, les théâtres subissent de fréquentes coupures d'électricité, parfois même en pleine représentation !

   En plus de la censure et du contrôle absolu du théâtre français, le théâtre de propagande créé par les allemands prend place avec des pièces antisémites. Alain Laubreaux, journaliste et écrivain collaborationniste français est connu pour ses critiques acides sur le théâtre dans le journal Je suis partout, il était craint et haï par une bonne partie du monde du spectacle. Ainsi, durant l'Occupation, Alain Laubreaux fut frappé publiquement par Jean Marais. Cette anecdote inspira avec une certaine liberté, la scène du film Le Dernier Métro où le comédien interprété par Gérard Depardieu s'en prend à Daxiat, le critique de Je suis partout incarné par Jean-Louis Richard.

  Souvent en conflit avec l'ambassade d'Allemagne, la Propagandastaffel de Paris, installée sur les Champs-Elysées sera supprimée en juillet 1942.  


Première conférence de Je suis partout

Archives du journal Je suis partout

04/01/2014

II/ Théâtre de divertissement

  Cependant, durant ces années noires, un type de théâtre persiste; qui divertira la population malgré une pression constante. Le public avide de divertissement sous une oppression omniprésente. Le public va donc braver la difficulté et va affluer vers les spectacles. Le théâtre de divertissement  (le théâtre de boulevard) va dominer avec pour maître incontesté Sacha Guitry, qui triomphe avec N'écoutez pas, Mesdames en 1942, même si sa légèreté exaspère parfois la censure de Vichy. D'autres grands metteurs en scène des années 1930 (Charles Dullin, André Barsacq qui lui succède à l'Atelier, Gaston Baty...) ne chôment pas. Des auteurs comme Achard, Bourdet et bien sûr, Guiltry vont continuer à écrire des pièces dont le succès sera éclatant.

Affiche de N'écoutez pas mesdames (1942)

   Il existe ainsi une tendance de "théâtre pour le théâtre", qui semble s'isoler de la situation réelle. Les spectateurs sont souvent des jeunes personnes qui étouffent dans l'atmosphère morale de Vichy très pesante. Pour échapper à cette emprise, la jeunesse n'a d'autre choix que de profiter de toutes les occasions qu'on lui donne de s'ouvrir l'esprit. Certains pensent aussi que le théâtre est un moyen d'évasion : on peut y "quitter l'horreur du monde réel pour les rivages de l'imaginaire". Dans cette optique-là, la nouvelle fonction du théâtre pourrait être comme "l'opium du peuple".
   Globalement attentiste,  l'opinion du peuple ne se prive pas, dans l'espace protégé de la salle de spectacle, de manifester ses sentiments contre l'occupant ou les collaborateurs : le public siffle quand le prénom d'Adolphe est prononcé dans une pièce de Labiche, il reprend en choeur la "Marseillaise" à la fin du "Pasteur" de Guitry, il boude la pièce raciste de Laubreaux, il réagit aux répliques des "Mouches" ou d'"Antigone".
A ce mouvement de création, le public répond au-delà de toutes les espérances. Dans Le Dernier métro, il est précisé à juste titre que la fréquentation n'a pas faibli, même aux pires heures de l'Occupation. Les contemporains ont été frappés du phénomène. René Rocher, président du Comité du spectacle, affirme en 1944: "La prospérité actuelle du théâtre est miraculeuse : on peut jouer n'importe quoi, de n'importe qui, n'importe où et n'importe quand : le public se précipite en foule, tous les records sont battus". Même par rapport à l'avant-guerre, la progression est évidente : 220 millions de spectateurs dans les théâtres parisiens en 1938, 304 millions en 1943.


"D'évidence, on ne retrouve sur scène ni la Milice ni la Résistance" dit un jour Serge Added.

   Cette "résistance passive" du théâtre est aussi sensible dans d'autres domaines de la culture. Dans le cinéma par exemple, la profession est épurée, une censure vigilante mise en place, une partie de la production passe sous contrôle allemand... 
Sous l’occupation, la radio a aussi joué un rôle important. Naîtra alors la notion de théâtre « invisible ». C'est-à-dire, un théâtre joué sans public et enregistré qui sera diffusé à la radio. Par exemple « Radio National », radio du côté du régime de Vichy.

   Cependant le théâtre de divertissement était contrôlé dans la zone occupée de la France. Dans les salles,  des places étaient réservées aux AllemandsLe divertissement proposé, a-t-il aidé la France, sinon à adhérer à la propagande qui l’entrelardait ? Il est bien entendu, toujours très difficile de sonder les opinions publiques d’un pays occupé, soumis ici au double contrôle d’une puissance occupante et d’un gouvernement tout sauf démocratique mais le divertissement a peut-être permis une sorte d'évasion, le temps  d'un moment, le temps d'une pièce de théâtre.

03/01/2014

III/ Théâtre de Résistance

   La seule voie possible pour résister théâtralement parlant, était de contourner la censure. Encore fallait-il à la fois abuser la critique et se faire comprendre du public. La tâche était difficile.
Concernant les œuvres résistantes ou non, on se pose des questions aujourd'hui encore. Le problème est que, les lectures des pièces de théâtre, -comme toutes les oeuvres littéraires-, peuvent être lues de différentes manières. En effet, il est difficile de déterminer objectivement quel auteur était engagé ou pas : notamment les auteurs comme Jean-Paul Sartre et Anouilh qui ont continué d'écrire pendant l'Occupation allemande. 

  Jean-Paul Sartre (1905-0980) est un auteur de théâtre, un philosophe, dramaturge, romancier et journaliste politique français qui fut une personnalité majeure de la vie intellectuelle française de la seconde moitié du XXème siècle. Sartre fut mobilisé en 1939, fait prisonnier en 1940 et libéré la même année. Il participa à la résistance en fondant d'une part Socialisme et Liberté, qui n'eut qu'une existence brève, et d'autre part en étant membre du Comité des ÉcrivainsLa publication de L'Etre et  Le Néant en 1943, ainsi que la représentation de deux de ses pièces, Les Mouches (1943) et Huis Clos (1944), firent de lui un des grands représentants de la philosophie, de la liberté et des idées de la résistance. Cependant, même si l'on ne peut nier son engagement avec la création du réseau Socialisme et Liberté, son activité littéraire et théâtrale a parfois prêté à confusion En fait, Sartre s'en est expliqué en affirmant avoir écrit des pièces "à message". A propos des Mouches, il veut décrire «le drame du terroriste qui, en descendant des Allemands dans la rue, déclenche l'exécution de 50 otages.» Cette interprétation a sans doute été perçue par les jeunes intellectuels et par la Résistance.

Représentation de Huis Clos au Théâtre de la petit boîte en 2012

   Jean Anouilh (1910-1987) est un écrivain et dramaturge français. L'une de ses œuvres théâtrales les plus célèbres est Antigone (1942) qui est une réécriture de la pièce de Sophocle. 
Pendant l'Occupation, Jean Anouilh continue d'écrire. Il ne prend position ni pour la collaboration, ni pour la résistance. Ce non-engagement lui sera reproché.  Antigone connaît un grand succès public mais engendre une polémique. Certains reprochent à Anouilh de défendre l'ordre établi en faisant la part belle à Créon, ce qui expliquerait, selon eux, que la pièce n'ait pas été censurée par les allemands. Ses défenseurs indiquent au contraire que l'insoumission d'Antigone qui dit "non", et s'engage  contre la raison d'état, incarnée par Créon, a une réelle valeur subversive.


   Comment savoir si les messages politiques des auteurs ont été entendus par le public de l'époque ? Là où une censure et des critiques de Laubreaux perspicaces n'avaient rien décelé, le public aurait compris des intentions cachées ?
Pouvons-nous réellement savoir si le théâtre de Sartre, d'Antigone ou d'autres auteurs ont ouvert les yeux de certains sur l'abjection du régime et s'ils ont convaincus des Français de résister, d'agir ? Aucun témoignage n'a été trouvé.
   Alors, en se posant toutes ces questions, qui peut-on vraiment considérer vraiment comme un auteur résistant ?
Mais au fond, est-ce que cela importait vraiment de le savoir ? Puisque finalement, c'est la vision que le spectateur avait de la pièce qui comptait vraiment. Certains ont vu des messages cachés, le reste peut paraître dérisoire sous cet angle.




02/01/2014

Le Dernier Métro

 Scène d'une répétition de théâtre 

Fiche du film

"Magnifique plongée dans une France occupée et qui subit chaque jour les humiliations d'une administration fasciste. Truffaut touche à toutes les dimensions de cette sombre part de notre histoire, tout en restant entre les murs d'un théâtre, lieu de création malmené par la tyrannie de Dacia. La construction et la mise en scène sont de grandes qualités, les acteurs sont toujours justes. Le dernier métro fait bien partie des films français qui peuvent nous rendre fiers de notre patrimoine cinématographique."

source : http://www.allocine.fr/membre-Z20120708110239170448533/movie/169

01/01/2014

Conclusion



  Le théâtre a joué un rôle considérable durant la Seconde Guerre Mondiale. Les conditions matérielles et les contraintes qui pesaient sur la vie théâtrale n'ont pas empêché certains auteurs de détourner ces obstacles, de réunir de nombreux spectateurs même s'ils ont dû développer des techniques pour ne pas se faire dénoncer par les collaborateurs, ou être retrouvés par la milice nazie.
La plupart des bons auteurs, -et ils étaient nombreux-, ont démontré à l'occupant que la France n'était pas morte. L'exemple le plus significatif nous est fourni par Sartre qui a montré au régime de Vichy qu'un théâtre moderne, présomptueux et parfaitement étranger à l'idéologie imposée était possible, en rendant vaine sa volonté d'asservir les consciences et les esprits.
Car l'enjeu consistait surtout, pour les auteurs, à maintenir les consciences en éveil et à défendre la liberté intellectuelle et morale. La véritable création artistique et littéraire était et est par elle-même une manifestation de la liberté.