Jean-Paul Sartre

Jean-Paul Sartre
Jean-Paul Sartre pendant la Seconde guerre mondiale

04/01/2014

II/ Théâtre de divertissement

  Cependant, durant ces années noires, un type de théâtre persiste; qui divertira la population malgré une pression constante. Le public avide de divertissement sous une oppression omniprésente. Le public va donc braver la difficulté et va affluer vers les spectacles. Le théâtre de divertissement  (le théâtre de boulevard) va dominer avec pour maître incontesté Sacha Guitry, qui triomphe avec N'écoutez pas, Mesdames en 1942, même si sa légèreté exaspère parfois la censure de Vichy. D'autres grands metteurs en scène des années 1930 (Charles Dullin, André Barsacq qui lui succède à l'Atelier, Gaston Baty...) ne chôment pas. Des auteurs comme Achard, Bourdet et bien sûr, Guiltry vont continuer à écrire des pièces dont le succès sera éclatant.

Affiche de N'écoutez pas mesdames (1942)

   Il existe ainsi une tendance de "théâtre pour le théâtre", qui semble s'isoler de la situation réelle. Les spectateurs sont souvent des jeunes personnes qui étouffent dans l'atmosphère morale de Vichy très pesante. Pour échapper à cette emprise, la jeunesse n'a d'autre choix que de profiter de toutes les occasions qu'on lui donne de s'ouvrir l'esprit. Certains pensent aussi que le théâtre est un moyen d'évasion : on peut y "quitter l'horreur du monde réel pour les rivages de l'imaginaire". Dans cette optique-là, la nouvelle fonction du théâtre pourrait être comme "l'opium du peuple".
   Globalement attentiste,  l'opinion du peuple ne se prive pas, dans l'espace protégé de la salle de spectacle, de manifester ses sentiments contre l'occupant ou les collaborateurs : le public siffle quand le prénom d'Adolphe est prononcé dans une pièce de Labiche, il reprend en choeur la "Marseillaise" à la fin du "Pasteur" de Guitry, il boude la pièce raciste de Laubreaux, il réagit aux répliques des "Mouches" ou d'"Antigone".
A ce mouvement de création, le public répond au-delà de toutes les espérances. Dans Le Dernier métro, il est précisé à juste titre que la fréquentation n'a pas faibli, même aux pires heures de l'Occupation. Les contemporains ont été frappés du phénomène. René Rocher, président du Comité du spectacle, affirme en 1944: "La prospérité actuelle du théâtre est miraculeuse : on peut jouer n'importe quoi, de n'importe qui, n'importe où et n'importe quand : le public se précipite en foule, tous les records sont battus". Même par rapport à l'avant-guerre, la progression est évidente : 220 millions de spectateurs dans les théâtres parisiens en 1938, 304 millions en 1943.


"D'évidence, on ne retrouve sur scène ni la Milice ni la Résistance" dit un jour Serge Added.

   Cette "résistance passive" du théâtre est aussi sensible dans d'autres domaines de la culture. Dans le cinéma par exemple, la profession est épurée, une censure vigilante mise en place, une partie de la production passe sous contrôle allemand... 
Sous l’occupation, la radio a aussi joué un rôle important. Naîtra alors la notion de théâtre « invisible ». C'est-à-dire, un théâtre joué sans public et enregistré qui sera diffusé à la radio. Par exemple « Radio National », radio du côté du régime de Vichy.

   Cependant le théâtre de divertissement était contrôlé dans la zone occupée de la France. Dans les salles,  des places étaient réservées aux AllemandsLe divertissement proposé, a-t-il aidé la France, sinon à adhérer à la propagande qui l’entrelardait ? Il est bien entendu, toujours très difficile de sonder les opinions publiques d’un pays occupé, soumis ici au double contrôle d’une puissance occupante et d’un gouvernement tout sauf démocratique mais le divertissement a peut-être permis une sorte d'évasion, le temps  d'un moment, le temps d'une pièce de théâtre.

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